Chapitre 2 : Un regard historique et socioculturel
Pour comprendre pleinement le vaginisme, il est essentiel de situer ce trouble dans une perspective historique et culturelle. La sexualité féminine, bien qu’universelle, a toujours été soumise à des influences extérieures : des croyances religieuses, des normes sociales, des lois et des idéaux collectifs. Ces forces ont façonné, parfois de manière insidieuse, la façon dont les femmes perçoivent leur corps, leur plaisir et leur rapport à l’intimité.
De l’Antiquité à nos jours : une histoire de contrôle
- L’Antiquité : une sexualité associée à la reproduction
Dans de nombreuses civilisations antiques, le corps féminin était vénéré pour son rôle dans la fertilité. Les divinités associées à la reproduction et à la sexualité, comme Aphrodite ou Isis, symbolisaient à la fois la vie et la sensualité. Cependant, cette vénération s’accompagnait d’un contrôle strict. Les femmes étaient perçues comme des « réceptacles » de la descendance masculine, réduisant leur sexualité à une fonction reproductive.
Le plaisir féminin n’était pas complètement ignoré, mais il devait servir un but : garantir la procréation. Dans cette optique, des douleurs associées à la sexualité pouvaient être considérées comme « normales », voire comme une épreuve nécessaire pour le rôle de mère.
- Le Moyen Âge : entre culpabilité et diabolisation
Avec l’avènement du christianisme en Europe, la sexualité féminine subit un tournant radical. Le plaisir, surtout celui des femmes, devient suspect. Le corps féminin est associé à la tentation et au péché. L’acte sexuel n’est toléré que dans le cadre du mariage et pour la procréation. Toute expression de désir féminin est stigmatisée, et les douleurs liées à la sexualité sont souvent interprétées comme une punition divine ou une preuve de moralité.
Pendant cette période, les femmes souffrant de troubles sexuels ou gynécologiques étaient parfois accusées de sorcellerie. Les douleurs physiques ou les résistances psychologiques à l’acte sexuel étaient vues comme des manifestations d’un pacte avec le diable, renforçant la honte et la peur autour de la sexualité féminine.
- Les Lumières et l’ère industrielle : entre science et répression
À partir du XVIIIe siècle, la médecine commence à s’intéresser à la sexualité féminine, mais souvent d’un point de vue pathologique. Les médecins diagnostiquent des troubles comme « l’hystérie féminine », un terme fourre-tout utilisé pour expliquer des comportements ou des souffrances inexpliquées chez les femmes, y compris les troubles sexuels.
L’ère industrielle, avec ses valeurs de travail et de discipline, voit le corps féminin être encore plus surveillé. La sexualité devient un sujet privé, caché, et les femmes sont encouragées à être des épouses « vertueuses », subordonnées à leurs maris. Les douleurs sexuelles, telles que celles associées au vaginisme, restent un sujet tabou, car elles remettent en question les attentes patriarcales autour de la disponibilité sexuelle des femmes.
- Le XXe siècle : émancipation et contradictions
Le XXe siècle apporte des avancées majeures pour les femmes : droit de vote, accès à la contraception, libération sexuelle des années 1960. Pourtant, ces progrès s’accompagnent de nouvelles injonctions. La femme moderne doit être à la fois libérée et performante sexuellement.
Les douleurs liées à la sexualité, bien que mieux reconnues, restent souvent mal comprises. Les discours sur la sexualité féminine oscillent entre liberté et pression, ce qui peut exacerber les troubles comme le vaginisme. Une femme qui souffre de ce trouble peut se sentir « anormale », incapable de répondre aux attentes de la société ou de son partenaire.
Le poids des normes culturelles sur le vaginisme
Même aujourd’hui, des facteurs socioculturels continuent d’entretenir le vaginisme :
- Les tabous sur la sexualité féminine
Dans de nombreuses cultures, parler de sexe reste difficile, voire interdit. Les jeunes filles grandissent souvent avec des messages culpabilisants : « Protège ton corps », « Le sexe est dangereux », ou encore « Le plaisir est honteux ». Ces injonctions façonnent une vision négative de la sexualité et du corps, favorisant des peurs et des résistances inconscientes. - L’éducation sexuelle insuffisante
Dans certains pays, l’éducation sexuelle est soit absente, soit purement biologique, ignorant les aspects émotionnels et psychologiques de la sexualité. Les femmes découvrent souvent leur propre anatomie de manière tardive, parfois après des expériences sexuelles douloureuses ou traumatisantes. - Les médias et la culture de la performance
La représentation du sexe dans les médias, souvent idéalisée et centrée sur la pénétration, ajoute une pression supplémentaire. Une femme qui n’est pas « prête » ou qui ressent de la douleur peut se sentir inadéquate ou dysfonctionnelle.
Un héritage à déconstruire
Le vaginisme, bien qu’intime et individuel, est le fruit d’un héritage collectif. Les douleurs sexuelles ne naissent pas dans un vide. Elles s’enracinent dans des siècles de silences, de jugements et de méconnaissance.
Ce chapitre invite à une réflexion : comment ces influences extérieures continuent-elles à peser sur les femmes aujourd’hui ? Et surtout, comment pouvons-nous déconstruire ces croyances pour créer un espace où la sexualité féminine est vécue comme une source de plaisir et non de douleur ?
Les chapitres suivants exploreront les causes spécifiques du vaginisme et les moyens de s’en libérer, avec des outils modernes et bienveillants adaptés aux femmes d’aujourd’hui.